Les Roues à aubes des deux moulins à eau situés sur le domaine du Moulin XII sont des Roues à aubes dites « SAGEBIEN » du nom de l’ingénieur qui les a mise au point.
Alphonse Eléonor Sagebien est né près d'Amiens en 1807. Très jeune, il entre à l'École Centrale des Arts et Manufactures et il en sort à 26 ans, en 1833.
Jusqu'en 1848, il se consacre à la métallurgie : on lui doit la découverte des gisements de minerais exploités à la fin du XIXe siècle dans le Pas-de-Calais. Puis il passe à l'hydraulique et se passionne pour la construction et le perfectionnement des roues hydrauliques.
Il est l'inventeur d'une remarquable roue hydraulique : "" la roue Sagebien "", dont le rendement est considérablement augmenté par rapport aux roues hydrauliques courantes en particulier pour les basses chutes. Il ne quitta jamais Amiens où il s'occupa de moulins, d'usines hydrauliques et de papeteries. Il fut conseiller municipal d'Amiens pendant 10 ans de 1878 à 1888. Il y mourut en 1892. Alphonse Sagebien avait donc créé ce qu'il appelait les roues-vannes, fonctionnant plus par le poids de l'eau que par la vitesse du courant : elles étaient parfaitement adaptées aux faibles chutes mais nécessitaient des débits importants. Ces machines permettaient également une introduction de l'eau à des hauteurs variables en fonction du niveau de l'eau. La roue Sagebien eut un grand succès, on en trouve encore de nombreux exemplaires de toutes tailles en France, mais toujours dans des usines d'une certaine importance. Certaines sont impressionnantes comme celle du Moulin St Denis (ci-contre) qui mesure 8m de diamètre, pèse plus de 15 tonnes et délivre une puissance de plus de 30 kW (40 chevaux). |
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Mais la palme revient à la roue Sagebien du Moulin-pompe de Trilbardou en Seine-et-Marne. Cette station de pompage a pour but de prendre l'eau de la Marne pour alimenter le canal de l'Ourcq (envisagé sous Colbert, commencé sous Napoléon 1er) qui amène 400 000 m3 d'eau par jour à Paris. Réalisée en 1869, cette installation comprend une roue Sagebien de 11 mètres de diamètre et 6 mètres de large. Elle pèse 83 tonnes et nécessite un débit de 9 m3/seconde sous une hauteur de chute de 1,30 m. D'une puissance théorique maximum de 150 chevaux, elle peut développer une puissance de l'ordre de 125 chevaux. Le moulin-pompe de Trilbardou est un des rares exemples d'une installation industrielle, vieille de 150 ans et fonctionnant encore parfaitement, grâce au génie inventif de Alphonse Éléonor Sagebien. |
![]() la roue ""Sagebien"" du Moulin de Bécheret |
La roue Sagebien est une roue de côté dont les aubes sont planes ; la couronne est très large et forme des sortes d'augets très profonds qui se rétrécissent vers l'arrière (figure 1 ci-après). Les aubes ne sont pas fermées latéralement; ce sont les bajoyers, murs encadrant la roue de chaque côté qui contiennent l'eau : un jeu de 3 à 8 millimètres existe entre les aubes et les bajoyers. L'admission de l'eau se fait par une vanne inclinée presque tangente à la roue au point d'admission. Elle s'ouvre en descendant de façon que l'eau s'écoule par déversoir avec le minimum de vitesse. Les aubages sont formés de madriers prenant appui sur des pièces en fer cornières appelés coyaux. Les coyaux sont réunis par des cercles en fer plat ou profilés constituant l'ensemble de la couronne montée sur un système de bras en U qui s'assemblent sur le tourteau de calage.
La roue Sagebien s'employait pour les faibles chutes: la roue du moulin de St denis utilise une chute de l’ordre de 60 cm. Sa vitesse de rotation est très faible, de 1 à 2,5 tours/minute. Elle fonctionne à la façon d'un compteur de débit entre le bief amont et le bief aval. De ce fait, les pertes d'énergie par chocs, tourbillons et remous sont réduites au minimum; le rendement obtenu est très élevé et atteint jusqu'à 80 % (90 % dans des conditions exceptionnelles). L'emploi de la roue Sagebien était surtout indiqué pour les machines à régimes uniformes: pompes, minoteries, filatures, etc. A la mise en route, on débrayait les organes en prise, pour faciliter le démarrage. |
Par contre ces roues sont lourdes et coûteuses. Elles doivent être parfaitement construites; l'emboîtement dans le coursier doit être particulièrement soigné. Très peu de ces roues sont encore aujourd’hui en services et le domaine du Moulin XII s’enorgueillit d’en avoir deux qui ont été entièrement restaurées en 2003 et qui, actuellement demandent de nouveaux travaux d'entretien afin d'être parfaitement fonctionnelles. Les roues Sagebien exigeaient un train de transmission compliqué et puissant en raison de leur faible vitesse de rotation. Ci-contre, les multiplicateurs de la roue à aubes Sagebien du Moulin de Bécheret qui faisait passer la vitesse de rotation de 5 à 750 tours par minutes pour entrainer une génératrice. |
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Fig. 1 - Le tracé de la roue Sagebien se fait selon l'épure de la figure 1: le diamètre est sept à huit fois la hauteur de la chute d'eau, soit 6 à 12 m; la hauteur des aubages doit être suffisante pour que l'eau ne pénètre pas dans le milieu de la roue, soit i+h/2, i étant la profondeur de l'eau en aval et h la hauteur de la chute. Ayant tracé le cercle de la roue de centre o, on mène au point d'immersion a une ligne ax faisant une angle d'au moins 30° avec l'horizontale ; du centre o, on trace un cercle tangent à ax et la ligne by tangente à ce cercle au partir du point d'immersion b, doit faire avec l'horizon un angle voisin de 45 degrés; le rendement de la roue est d'autant meilleur que les aubes recevant l'eau d'amont sont plus rapprochées de la verticale, ce qui conduit à augmenter le diamètre de la roue pour améliorer son rendement. |
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Fig. 2 - Si le débit du cours d'eau est à peu près constant, on laisse arriver l'eau sur toute la profondeur du canal d'amenée; sinon, on met un vannage circulaire. On voit que la roue est contenue dans un coursier cylindrique en maçonnerie et elle est enfermée entre deux murs empêchant l'eau de l'échapper sur les côtés. La distance d'une pale à l'autre, sur la circonférence (pas des aubes) doit être entre 30 et 40 cm, en général 40 cm.
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Les deux roues à aubes du Moulin XII ont été entièrement rénovées en 2003 selon les plans et les techniques d'origines. Elles demandent constamment un lourd entretien.
La roue la plus endommagée était celle du Moulin St Denis qui ne tournait plus depuis la fin de la guerre 39-45.
Il a fallu démonter tout le vieux bois et réinstaller plus de 10 tonnes de cœur de chêne vert.
De nombreuses pièces des mécanismes avaient été vandalisées pendant les années ou le moulin était resté ouvert à tous vents, il a fallu les fabriquer selon les plans et les techniques d’autrefois.
Crémaillères de vannage, vérins de réglage, coussinets en bronze des paliers, poutres,… tout a été refait.
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![]() il restait du vieux bois sur le 1/3 supérieur de la roue qu'il a fallu retirer |
![]() la partie inférieure de la roue ne comportait plus de bois, il a fallu tronçonner tous les boulons |
![]() le palier extérieur était très endommagé |
![]() la structure remise à neuf |
![]() les crémaillères du vannage remises en service |
![]() les pièces des mécanismes refaites |
![]() la roue ""Sagebien"" du Moulin St Denis remise en fonctionnement après plus de 50 ans d'abandon |